Texte publié dans le magazine "Molosses News" n°34 de Novembre/décembre 2004
Lexpression populaire « sentendre comme chien et chat » dont le sens néchappe à personne, suggère que les relations dindividus de ces 2 espèces sont plutôt conflictuelles.
Les chiens (les molosses en particulier) et les chats sentendent-ils si mal ? Certains sont pourtant les meilleurs amis du monde
Sur quoi repose alors leur paisible cohabitation ? et comment peut-elle se réaliser ?
Des codes de communication différents
A leur origine, chiens et chats nétaient pas fait pour cohabiter, encore moins pour sentendre, et cest lhomme qui a pourtant fait vivre ces 2 espèces ensemble, en grande promiscuité parfois.
Leur compréhension mutuelle des émotions et des intentions nest pas facilitée, lun et lautre nayant pas les mêmes codes de communication : postures, mimiques ou sons émis peuvent avoir des sens différents
Et lon peut observer que certains de leurs signaux, pourtant presque identiques, expriment en réalité des états et donc des messages parfois complètement opposés.
Assurément, ce sont là des sources de malentendus, ne favorisant pas lharmonie des relations !
En ne sen tenant par exemple quaux mouvements de leur queue, chiens et chats expriment justement des émotions contraires.
Chez le chien, les battements de la queue de gauche à droite, indiquent à un congénère sa franche sympathie à son égard, lenvie de jouer ou le bien être, alors que chez le chat cela signifie lagacement, voire clairement lhostilité.
Le molosse «mal informé» des codes du petit félin pourrait prendre ce mouvement pour un signe dhumeur joviale. En retour, il risque pourtant de se voir accueilli à coups de griffes !
Dautres possibilités de méprise et contre sens sont envisageables avec dautres postures, tout aussi difficilement déchiffrables pour lun et lautre.
Le molosse qui na jamais rencontré de chat, peut ne pas comprendre tout de suite la frayeur du minou qui sépoumone en lui crachant dessus pour léloigner. Un coup de patte est parfois la seule défense qui reste au chat qui voit sapprocher dangereusement le chien, tout heureux de trouver un nouveau compagnon !
Seule une familiarisation précoce des deux espèces lune à lautre, chez léleveur ou la famille de naissance, aide plus tard le chiot ou le chaton à une approche confiante entre félidé et canidé.
Par la suite, cest beaucoup plus simple pour chacun de comprendre lautre et déviter les quiproquos.
La socialisation du très jeune âge : lindispensable condition
Pour permettre une habituation dune espèce à lautre, il est important de connaître et de comprendre limportance de ces quelques premières semaines de vie dun chiot ou dun chaton, que lon appelle période de socialisation.
Ce temps de la socialisation est une période courte. Son rôle : développement de la motricité, régulation des émotions, mais aussi création de lempreinte et de lattachement à des êtres proches. Un temps où ladaptation est facile et permet entre autre au chiot ou au chaton :
- lidentification à sa propre espèce ou à lespèce qui a été présente durant cette période.
- lattachement ou la familiarisation à dautres espèces et individus.
Lidentification de tout ce qui est non familier, inconnu et donc redouté ou qui implique une méfiance.
Au cours de cette période, sétirant de la 2ème et la 16ème semaine pour certaines races molossoïdes (et jusquà 9 semaines pour le chaton) le développement du cerveau de lanimal dépend directement de son environnement : plus celui-ci est stimulant, plus le cerveau se développe et grossit.
Pour le chiot comme pour le chaton, le manque de stimuli extérieurs ne favorisera pas des capacités motrices, tactiles, visuelles, auditives et olfactives performantes pour plus tard.
Par contre des contacts corporels, de la lumière, des bruits, des odeurs, puis des interactions avec les congénères dabord (et dautres espèces ensuite) viendront forger, sculpter et programmer richement leur cerveau (+ de sollicitations et stimulations conduisant à + de connexions neuronales, et plus tard à + de facilité à intégrer linconnu).
Un chien ne sait pas instinctivement quil est un chien. Cest la vie en communauté avec sa mère et ses frères et surs qui lui ont dabord permis de sidentifier à sa propre espèce. Identification lui faisant reconnaître plus tard un canidé pour partenaire sexuel, et ne pas courtiser un chat au lieu dun chien ! Ce qui arrive parfois lorsque le chiot a été élevé très tôt par une chatte. Il sest alors identifié à lespèce « chat » !
Au cours de cette période de forte attraction sociale, si un chiot ou un chaton naît dans un milieu où vivent déjà (ou sont introduits) des humains, dautres chiens ou chats, des hamsters, des oiseaux, des poissons etc.: il y sera habitué et socialisé. Cela signifie entre autre, quil nidentifiera pas ces animaux comme des espèces ennemies ou des proies potentielles, mais bel et bien comme des espèces amies. Cest donc le moment le plus propice pour le préparer à tout ce quil sera amené à rencontrer dans sa vie future, et ce pour aisément faire face à une infinie variété de mode de vie où il voisinera sûrement avec une grande diversité despèces animales.
Tout le vécu de cette période est gravé pour la vie et aura des retentissements sur le futur comportement de ladulte.
Le but est donc que toute découverte en général soit vécue agréablement, et que toute rencontre soit joyeuse et amicale. Car si le petit molosse venait à faire une trop mauvaise expérience avec lun de ces êtres vivant pendant ces quelques semaines, il sera bien difficile den effacer le souvenir. Un long travail de patience sera alors nécessaire pour désensibiliser lanimal, et sans complète garantie dy parvenir (même chose sil sagit dun chaton)
Renforcer les acquis : il ny a pas de temps à perdre
Le développement comportemental dun chiot (ou dun chaton) dépend directement du développement du cerveau (lui-même fonction de la richesse des stimulations sensorielles reçues), et donc des acquisitions précoces.
Cest tout particulièrement entre sa 3è et 8è semaine que le petit molosse curieux de tout, a la plus grande capacité à se familiariser facilement à toute forme nouvelle.
Nous lavons dit, le temps est limité pour faire ces acquis de base, car passé la 9è semaine pour un chaton (et la 16è semaine pour un petit molosse) le jeune animal risque de se montrer moins amicalement curieux (voire peut-être craintif ou même hostile) avec toutes les espèces (ou choses) auxquelles il naura pas été familiarisé.
Cela peut aller jusquà déclencher des peurs qui peuvent paraître irrationnelles aux personnes non averties, et leur faire sexclamer « mais nait pas peur, ça nest quun chat ! ou un balai ! ou une poussette ! la liste peut être longue
!
Lidéal est donc dacheter un chiot qui aura déjà pu bénéficier de la plus large socialisation, et surtout au chat, si lon souhaite une bonne cohabitation avec cette espèce.
Cela ne dispense évidemment pas de poursuivre et si possible de renforcer cette socialisation, par des rencontres et interactions, même si lon ne souhaite pas avoir de chat à la maison dans limmédiat. Qui sait si cela ne viendra pas ou si lors des prochaines vacances, il ny en aura pas à proximité du lieu de villégiature (pour lacquisition dun chaton, même soucis bien sûr, de savoir sil a pu bénéficier de rencontrer amicalement lespèce canine).
Mais attention : avoir été familiarisé à un chat ne signifie pas pour autant lêtre à tous les chats. Un molosse peut gentiment papouiller le chat blanc de la maison, et se mettre à poursuivre et chasser un chat noir qui lui est inconnu (surtout si celui-ci se met à courir « comme un lapin ! » déclenchant linstinct de prédation du chien).
De la même manière, si votre chat nà été habitué quà un Cavalier King Charles, peut être fuira-t-il de peur devant un Huskie ou un Bull Terrier. Doù limportance de présenter très tôt au jeune molosse ou au chaton différentes variétés de chiens ou de chats (et même de lui faire rencontrer des humains de tous genres: adultes, âgés ou ados, enfants, bébés, et même de différentes couleurs de peau) Tout cela pour laider à aborder plus facilement les diverses morphologies en général.
Tout est donc apprentissage, et sil ne faut pas attendre pour faire faire au chiot de multiples expériences, il faut surtout les renforcer tout au long de son adolescence et au moins jusquà lâge de 2 ans.
Le miracle de linstinct maternel
Chattes et chiennes ont un instinct maternel particulièrement fort. Lorsquelles mettent bas, elles sont capables de prendre en charge et délever, en plus de leur portée, des petits qui ne sont pas de leur espèce. Cest ainsi que lon peut voir une chienne allaitant et bichonnant des chatons ou à linverse une chatte nourrissant un jeune molosse !
Même une chienne ne connaissant pas bien les chats peut tout à fait adopter des chatons si elle-même a eu une portée de chiots, ne voyant pas en eux des chats, mais des êtres infantiles quil faut nourrir et protéger.
Nous avons observé également ce comportement venant de chiennes nayant jamais eu de portées, mais ayant probablement été socialisées au chat. Cest linstinct maternel qui prime alors sur les peurs ou les instincts de chasse. Inutile de préciser que ses petits protégés feront toujours partie de leur famille et seront défendus même lorsquils grandiront.
Cela devient comique quand cest Minouchette qui a materné son jeune molosse et qui fait le gros dos et crache sur un intrus, protégeant de tout son cur son « bébé » Rottweiler devenu pourtant trois fois plus grand quelle !
Les faire se rencontrer
Introduire un petit molosse auprès dun chat adulte est tout à fait envisageable. Minet aura le temps de shabituer avant que le petit ne grandisse et naboie suffisamment fort pour leffrayer. Limportant est de laisser le chat poser lui-même ses limites au chiot turbulent, ainsi que la possibilité de sisoler comme il veut.
Introduire un chaton avec un molosse qui lui na pas été familiarisé à lespèce chat, peut savérer plus difficile. Il y a intérêt dune part à ce que le chien soit bien sous le contrôle de ses maîtres et dautre part à faire appel à un comportementaliste pour aider.
Introduire un molosse adulte auprès dun chat lui aussi adulte est une opération bien plus difficile encore. Cependant si le chat a été correctement socialisé à un grand nombre de stimuli et que globalement il nest pas peureux, alors il y a un espoir. Encore vaut-il mieux lui présenter un chien particulièrement calme et doux dans ses gestes et déplacements, pour quil puisse sy habituer lentement jusquà ne plus le craindre.
On pense bien souvent que plus le chien est gros, plus le chat en aura peur. Cest vrai lorsque le chat nest pas socialisée aux chiens, mais on peut tout à fait faire cohabiter de petits chats avec des chiens de grand gabarit dès lors quils ont grandis ensemble. Le principal nest pas la taille du chien, mais bien son comportement. Or les molosses, malgré leur mauvaise réputation, ne sont pas les chiens les plus hargneux et excités. Minet devra apprendre tout de même à ne pas courir, car cela risque, nous lavons dit, de déclencher linstinct de prédation de Brutus, plus développé chez certaines races de chiens génétiquement sélectionnées pour leur talent de chasseur ou de défense.
Les attitudes des maîtres dans ces différentes mises en présence, sont capitales bien sûr. Suivant que lon fait se rencontrer des individus de ces 2 espèces, adultes ou jeunes, socialisés précocement ou non comme décrit plus haut, les risques sont donc divers.
Ne pas « forcer » lun ou lautre lors de la 1ère confrontation est indispensable (en tenir un ou les deux !! dans les bras, met chacun des deux animaux dans linconfort assuré. Par contre, leur offrir de pouvoir se découvrir, se flairer, sévaluer sur un espace où chacun deux pourra savancer à sa guise ou se retirer pour apprendre à gérer sa crainte, et cela en intervenant le moins possible, optimise les chances dune rapide familiarisation.
La peur de voir « le gros » (chat ou chien) griffer ou mordre férocement « le petit » est légitime, mais on a vu ce qui pouvait favoriser lentente facile ou au contraire rendre les choses compliquées.
En conclusion, prendre connaissance dune mutuelle socialisation du jeune âge des 2 espèces, chat et chien, et leur offrir dans la mise en présence les meilleures conditions de se connaître et « sapprendre » librement, garantira la future harmonie des relations.
Danièle Mirat - Rédigé avec la collaboration de Florence Cailliot-dIvernois, éthologue et comportementaliste spécialisée dans le comportement du chat
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Chats et molosses : ils peuvent faire bon ménage
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